Guide 8 : Gérer le comportement des visiteurs
Ce que ce guide vous apprend :
Ce guide vous apprend pourquoi vous devez gérer les déplacements et les comportements des visiteurs et comment commencer à élaborer un système de gestion des visiteurs.
Étapes du succès :
- Pourquoi c'est important
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La gestion des flux de visiteurs et l'influence exercée sur le comportement de ces derniers sont des aspects essentiels du développement du tourisme durable. C'est souvent indispensable pour protéger l'intérêt et les caractéristiques du site du patrimoine mondial ; c'est un facteur qui contribue à ce que le visiteur vive une expérience de qualité ; et, en gérant les flux de visiteurs, vous pouvez minimiser les effets négatifs sur la communauté d'accueil et maximiser les possibilités pour elle d'en tirer avantage.
Il existe une idée fausse mais répandue selon laquelle les flux de visiteurs sont hors de contrôle – comme une force de la nature. Les grandes destinations maîtrisent le choix du lieu de villégiature, des dates de séjour et des activités des visiteurs sur place. Il ne s'agit pas de contrôler ou de gâcher l'expérience du visiteur, bien au contraire : il s'agit de faire en sorte que les visiteurs d'aujourd'hui et de demain puissent profiter de destinations intactes et bien pensées et de sites du patrimoine bien préservés.
- Vous ne pouvez pas modifier le comportement des visiteurs sans avoir au préalable mesuré certaines variables clés
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Faites des recherches. Une gestion efficace des visiteurs est pratiquement impossible sans une bonne analyse du tourisme local. Pour la plupart, les destinations et les sites du patrimoine mondial connaissent une fréquentation saisonnière. Vous devez donc repérer les moments auxquels l'affluence est trop grande et gâche l'expérience des visiteurs (et endommage le site). Le Guide 1 (Comprendre le tourisme dans votre destination) a dû vous permettre de mesurer la demande actuelle et future de votre destination. Pour gérer l'affluence des visiteurs, vous devez pouvoir anticiper la demande en vous fondant sur l'expérience passée ; vous ne pouvez pas procéder au juger, vous devez absolument recueillir des données pour que vos prévisions soient performantes. Vous devez également pouvoir repérer les heures et les endroits problématiques qui représentent un risque pour le patrimoine.
1) Grandes tendances
Chaque destination est différente, mais il est essentiel de connaître les tendances à long terme et à court terme relatives au nombre de visiteurs et aux pressions sur le site. Une destination qui connaît une augmentation de fréquentation annuelle de 20 % doit se doter de systèmes de gestion des visiteurs adaptés aux pressions existantes et à celles qui s'annoncent. Il est primordial d'établir des prévisions – à 5 ans ou 10 ans, par exemple.
2) Variations saisonnières
La plupart des destinations connaissent des variations de fréquentation saisonnières ; autrement dit, les effets négatifs et les risques ne sont pas également répartis sur l'année. Vous devez par conséquent repérer les pics de fréquentation saisonniers et les périodes de creux. C'est dans les périodes de pointe de fréquentation que les systèmes de gestion des visiteurs doivent intervenir pour contrôler les mouvements et les comportements de visiteurs ; dans les périodes de moindre affluence, ils ne seront peut-être pas toujours utiles.
3) Analyses mensuelles et annuelles
La courbe des plages de loisirs dans une société a une incidence déterminante sur l'affluence dans les sites du patrimoine mondial. Dans certains pays, c'est souvent pendant les fins de semaine que l'on dénombre le plus de visiteurs. Il peut donc s'avérer judicieux de repérer ces jours à l'avance et de mettre en place des systèmes pour gérer les mouvements et les comportements des visiteurs pendant ces jours de forte fréquentation.
4) Jours fériés et jours de fête
Dans beaucoup de sociétés, les périodes de plus forte affluence sont observées pendant quelques jours fériés, publics ou religieux, ainsi que pendant les jours spéciaux et de fête, tout particulièrement sur les sites du patrimoine mondial qui ont un caractère spirituel. Là encore, la gestion des visiteurs doit anticiper ces jours de forte affluence, centrer sur eux son action et se doter d'un système adapté.
5) Heures de la journée
Il est primordial d'analyser les heures de plus forte affluence dans la journée. La fréquentation peut connaître des variations importantes, et il est souvent possible d'améliorer l'expérience des visiteurs, d'atténuer la pression et de mieux répartir les bénéfices pour la communauté locale en échelonnant les visites groupées sur toute la journée.
- Quelques méthodes pour recueillir les données nécessaires
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- Données des billetteries
Sur certains sites, il suffira d'analyser les données des billetteries de l'ensemble du site ou des principales attractions pour avoir une vue globale de la fréquentation sur une année, ou pendant certains mois, semaines ou journées.
- Données concernant les capacités d'hébergement
Certaines destinations disposent des données touristiques précises qui indiquent les taux de fréquentation à n'importe quelle période de l'année.
- Observation
Identifier les moments et les endroits où les problèmes peuvent survenir ne nécessite pas toujours des technologies de pointe ni de coûteuses dépenses. Parfois la simple observation des problèmes peut s'avérer très profitable.
- Consultation des gens du terrain
Beaucoup de sites négligent le savoir-faire et les talents d'observation des gens déjà sur le terrain. Une étude simple qui consiste à demander aux hôteliers, restaurateurs, conservateurs, chauffeurs de taxi, guides touristiques, membres des communautés hôtes et commerçants à quels moments ils situent les périodes de pointe peut se révéler très instructive.
- Offrir aux gens la possibilité d'exprimer leurs préoccupations par des moyens technologiques simples
Par exemple en envoyant un texto, quand l'impact qu'ils subissent devient inacceptable.
- Réfléchissez attentivement à la « capacité d'accueil » ou « plage de capacité d'accueil » de la destination et aux variables qui peuvent la modifie
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Rien dans ce guide ne doit être interprété comme un encouragement à attirer des touristes si cela n'est pas dans l'intérêt du site du patrimoine mondial ou de la communauté hôte. Certains éléments de patrimoine sont tellement sensibles aux effets dus aux visites qu'ils doivent être entièrement protégés et rendus accessibles par d'autres moyens qu'une visite physique (c'est le cas, par exemple, de la grotte d'Altamira, en Espagne). Certains sites du patrimoine mondial fonctionnent sur un mode « d'accès distant », avec des centres d'accueil des visiteurs implantés à distance raisonnable du site, ou bien dans un lieu accessible, encore plus éloigné. Avec l'apparition de nouvelles technologies, beaucoup de sites auraient à gagner à chercher de nouveaux moyens de permettre aux gens d'accéder à leur patrimoine et à sa valeur universelle exceptionnelle et de le découvrir sans avoir besoin de se rendre sur place.
La solution consistant à fixer un nombre de visiteurs qu'un site peut accueillir – sa « capacité d'accueil » – pose problème. Il ressort d'études récentes qu'une meilleure méthode consisterait à s'intéresser aux contraintes et aux variables qui pourraient faire que toute fréquentation au-delà d'un certain nombre de visiteurs soit non viable et dommageable au plan social, écologique, économique et culturel.
Il est peu probable que tout se résume à un seul chiffre. Il s'agira plus probablement d'un ensemble de variables pour différentes périodes de l'année. Par exemple, à la saison sèche, une destination peut connaître de graves difficultés d'alimentation en eau si plus de « xx » visiteurs se trouvent sur place, mais ce problème peut disparaître à la saison des pluies. Sans une gestion rigoureuse, il y aura à différents moments et dans différents contextes trop de visiteurs au mauvais endroit, ce qui aura des effets néfastes sur le patrimoine, détériorera la qualité de vie sur place et nuira à l'expérience des visiteurs dans la destination. Si vous détenez des données fiables sur les pressions engendrées par la fréquentation touristique selon les périodes et les lieux physiques, vous pouvez vous doter d'un plan et d'un système qui s'activent quand cela devient nécessaire, plutôt que d'essayer de gérer en permanence des interventions coûteuses qui ne sont peut-être pas utiles.
Le nombre de visiteurs qu'une destination ou un site peut accueillir peut être augmenté moyennant une gestion plus efficace et des équipements mieux adaptés et plus durables. L'une des autorités sur ce sujet, le cabinet Kiran Consulting, a proposé un nouveau terme pour les destinations – « le plan d'accueil » – qui désigne le processus consistant à calculer combien de visiteurs une destination peut accueillir et comment adapter la gestion du site en cas de dépassement de ce plafond.
- Élaborez un plan de gestion de la capacité d'accueil
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Si votre destination ou votre site du patrimoine est bien doté, vous pouvez confier à un spécialiste cette tâche technique (qui peut se révéler complexe et nécessite la modélisation informatique d'un ensemble de variables). Certains sites du patrimoine mondial ont investi dans une aide à l'élaboration de leur plan d'accueil et ont mis en place de nouvelles infrastructures pour une gestion plus efficace des flux de visiteurs. Les systèmes informatiques les plus sophistiqués modifient en temps réel les variables clés telles que l'affluence et le temps passé sur place par les visiteurs : le cas échéant, les guides emprunteront un autre itinéraire et conduiront les visiteurs à d'autres endroits afin d'éviter la saturation des sites incontournables ou certaines zones sensibles dont l'accès peut être interdit au-delà d'un certain niveau de fréquentation. Une aide spécialisée de ce type permet souvent de gérer l'accès aux éléments sensibles d'un site par l'implantation de nouveaux équipements d'interprétation avant ou après lesdits éléments, afin de réduire au maximum le temps passé par les visiteurs aux endroits les plus vulnérables.
Si vos ressources sont très limitées, vous devez prendre exemple sur les meilleures destinations et mettre en place des solutions moins sophistiquées et peu coûteuses. Par exemple, si vous constatez que les plus fortes affluences correspondent aux jours fériés, vous pouvez instaurer pour ces jours-là un système qui :
- Dirige les visiteurs sur une zone plus large de la destination
- Restreint l'accès aux zones sensibles
- Fixe un prix plus élevé pour la visite de certaines zones fragiles
- Limite la durée des visites
Il existe un certain nombre de techniques peu coûteuses de gestion des visiteurs, mais elles nécessitent de repérer précisément la fréquence et l'intensité des problèmes ainsi que les endroits où des systèmes spécifiques doivent être mis en place.
Gardez à l'esprit que la destination est généralement plus vaste que le site du patrimoine mondial et que vous pouvez donc utiliser l'ensemble de la zone pour une meilleure répartition des effets positifs et négatifs. Les visiteurs n'ayant pas toujours conscience des limites du site du patrimoine mondial, exploreront toute la zone : répartissez donc les activités de moindre importance sur l'ensemble de la destination plutôt que dans le périmètre du site.
- Quelques méthodes de gestion des visites
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1) Limitez l'accès des visiteurs
La façon la plus simple de protéger les sites du patrimoine des effets causés par les visites est d'en empêcher ou d'en restreindre fortement l'accès. Les visiteurs ne détiennent pas un « droit » d'accéder à un site si ce dernier ne peut tout simplement pas supporter les effets liés à sa fréquentation. Si l'accès à un site est limité à un nombre maximal de visiteurs par plage horaire ou par jour, veillez à l'indiquer clairement au moyen des équipements d'interprétation et de présentation du site.
2) Étalez les visites dans l'espace et dans le temps pour réduire au maximum l'intensité des effets néfastes
Vous ne pouvez pas laisser toujours plus de visiteurs accéder aux milieux écologiques ou culturels sensibles sans observer d'effets néfastes. En revanche, vous pouvez atténuer ces derniers grâce à une répartition plus homogène du tourisme dans la destination. Pour cela, vous pouvez élargir l'offre et les expériences proposées aux visiteurs ou encourager les visites pendant les périodes moins fréquentées de la journée, de la semaine, du mois ou de l'année.
3) Instaurez un système de réservation de billets à l'avance
L'accès à certains sites du patrimoine mondial est maintenant limité aux visiteurs munis de billets. Grâce à ce système, seul un nombre déterminé de billets est vendu chaque jour, ce qui permet d'offrir au visiteur une expérience de qualité tout en préservant le patrimoine. Contrairement à ce que pourraient craindre les entreprises de tourisme, les visiteurs ne verront pas ces mesures de contrôle d'un mauvais œil : les destinations n'en seront que plus spéciales, authentiques et uniques. Certaines deviendront même des destinations à voir une fois dans sa vie et les réservations de billets s'effectueront des années à l'avance. À titre d'exemple, la restriction de la fréquentation a déjà porté ses fruits sur les sites d'Altamira (Espagne) et du parc national de la rivière souterraine de Puerto Princesa (Philippines).
4) Appliquez des tarifs variables en fonction de l'affluence
La plupart des gens se laissent guider par les offres avantageuses et, bien souvent, le fait d'augmenter le prix du billet pour accéder aux zones sensibles, les jours de forte affluence, entraîne une réduction de la fréquentation. Il convient toutefois d'indiquer que certaines expériences uniques prennent encore plus de valeur si leur prix augmente, et l'effet escompté n'est alors pas obtenu. La tarification variable peut être un bon moyen d'inciter à une meilleure répartition des visites sur la journée ou la semaine : en proposant des tarifs plus attractifs pour les périodes creuses et des tarifs plus élevés pour les périodes de forte affluence, vous pouvez réguler le flux des visiteurs et éviter les pics de fréquentation. Il est préférable de partager ces préoccupations avec vos visiteurs, car certains préféreront dans tous les cas venir aux périodes moins fréquentées, d'autant plus si leur démarche contribue à la conservation du site.
5) Répartissez les visiteurs sur l'ensemble de la destination
En règle générale, les effets néfastes du tourisme s'observent à des points précis de la destination, qui correspondent aux éléments incontournables du site. Les sites les plus performants parviennent à éviter cette situation grâce à des explications et des circuits proposant aux visiteurs plusieurs lieux et expériences, et permettant de ralentir le flux et d'augmenter le temps passé dans les zones non sensibles. Par exemple, les personnes qui observent un élément fragile du site ne s'attardent pas à cet endroit s'ils peuvent accéder à des informations le concernant avant ou après ce passage de la visite. En effet, l'interprétation ne doit pas forcément se trouver dans les environs immédiats. Il est en outre possible d'allonger la liste des « incontournables » au moyen d'interprétations et d'anecdotes bien pensées, de proposer une histoire plus large de la communauté hôte et de sa culture, ou encore d'expliquer la valeur universelle exceptionnelle du site.
6) Élargissez la gamme d'expériences, produits et services proposés aux visiteurs pour réduire l'intérêt et l'attention portée à quelques éléments incontournables
Il est essentiel d'augmenter le temps passé par un visiteur dans les lieux les moins vulnérables, et de le réduire dans les lieux les plus sensibles. Élargissez le champ de vision des touristes en attirant leur attention sur des zones moins connues et moins sensibles de votre destination.
- Donnez les informations nécessaires à des choix judicieux
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Donnez en temps réel aux visiteurs et aux opérateurs touristiques les informations utiles pour faire les bons choix. Bien des visiteurs ont déjà conscience de la vulnérabilité des sites du patrimoine mondial et de la pression touristique qu'ils supportent, et s'efforcent d'adopter une conduite responsable. Vous pouvez exploiter les files d'attente et différents points stratégiques de leur parcours pour attirer leur attention sur les questions d'affluence et autres effets néfastes du tourisme. Une fois sensibilisés aux problèmes que peut poser la ruée vers les sites incontournables, ils veilleront à s'attarder davantage dans les zones moins sensibles de la destination pour faire leurs achats, se restaurer, se reposer, s'informer ou tout simplement s'imprégner de l'ambiance du lieu. Certaines astuces peuvent être d'une aide précieuse, comme avertir les visiteurs de la durée d'une file d'attente – vous pouvez simplement inscrire au sol : « À partir de ce point, le temps d'attente est estimé à 45 minutes. Et si vous alliez boire un café ou explorer X, Y et Z ? ».
Sensibilisez les guides et autres acteurs du tourisme aux problèmes et aux solutions. Les visiteurs sont sources de problèmes mais, bien accompagnés, ils peuvent aussi aider à les résoudre. Si vous pouvez convaincre les réceptionnistes des hôtels, les guides, les chauffeurs de taxis et autres de ne pas encourager les visiteurs à se précipiter vers les points incontournables de la destination à certaines heures, ils pourront les inciter à faire d'autres choix, comme prolonger leur déjeuner ou leur dîner, faire des achats, se reposer ou visiter un autre site.
- Augmentez le temps de séjour là où les entreprises locales peuvent tirer avantage de la présence des visiteurs
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Les flux de visiteurs peuvent être programmés de sorte que la communauté locale puisse en tirer avantage. De grands sites ont fait de la visite à une communauté locale en vue d'acheter des produits, des services ou des expériences une partie essentielle de l'aventure du visiteur. Ce type de visite présente souvent l'avantage supplémentaire de se dérouler dans un lieu moins sensible. Cela permet d'éviter de vendre des choses aux visiteurs dans les zones les plus vulnérables – les activités commerciales peuvent avoir lieu en dehors des zones sensibles afin d'y augmenter le temps de séjour.