Guide 2 – Étude de cas : Angkor et le plan stratégique de développement du tourisme 2012-2020
Situation de départ
Cette étude de cas sur Angkor est représentative de certaines des grandes menaces et préoccupations que les sites du patrimoine mondial de par le monde peuvent aussi être amenés à gérer. Lorsqu’Angkor a été inscrite sur la Liste du patrimoine mondial en 1992, elle a été immédiatement placée sur celle du patrimoine en péril à cause de la menace posée par le conflit entre le Cambodge et le Viet Nam. Elle n’a été ôtée de cette liste qu’en 2004, et, bien que le conflit intérieur ne représentait plus une menace pour le site, un certain nombre de problèmes nouveaux le mettant en péril sont devenus visibles.
Angkor est un site très vaste, qui a été visité ces dernières années par plus de trois millions de touristes internationaux et nationaux par an. Ce si grand nombre de visiteurs est l’une des principales menaces contre laquelle Angkor a dû lutter depuis son inscription. Or, ce nombre n’a fait que croître. En outre, Angkor est aussi un paysage habité, ce qui a posé problème à ceux qui souhaitaient présenter cet environnement selon des critères correspondant à une certaine vision des sites du patrimoine mondial et de ce à quoi ils devraient ressembler, plutôt qu’à la réalité d’un lieu de vie contemporain.
Une autre difficulté vient du fait qu’Angkor soit situé dans le Siem Reap, l’une des provinces les plus pauvres du Cambodge. Les résidents locaux s’en trouvent plus enclins à penser en fonction du potentiel économique immédiat du site, plutôt que de sa valeur et de son potentiel à plus long terme pour la région. La richesse comparée de ceux qui visitent Angkor représente aussi un attrait pour ceux qui vivent dans d’autres régions du Cambodge; il a été estimé que plus de la moitié du personnel du secteur hôtelier n’étaient pas des résidents du Siem Reap mais des travailleurs saisonniers venus pour tirer profit du tourisme.
Quelles actions ont été entreprises?
« La gestion du site d’Angkor nécessite la gestion du tourisme » (plan de gestion du tourisme 2012-2020)
Les parties concernées ont convenu qu’à moins d’un changement radical dans le mode de gestion, qui doit répondre aux besoins actuels d’Ankgor et de sa population, le site pourrait subir des dégâts irréparables. Elles ont aussi convenu que le tourisme représentait à la fois une nécessité économique et la plus grande menace à la longévité d’Angkor. Il a donc été décidé de mettre au point une stratégie complète pour réduire cette menace et améliorer la viabilité à long terme du site, qui est à la fois une destination touristique et un lieu de vie. Le Plan de gestion du tourisme dans la zone du patrimoine mondial d’Angkor 2012-2020 a ainsi été élaboré, s’inscrivant dans le projet plus vaste que représente le Cadre de gestion du patrimoine d’Angkor.
Priorités stratégiques
- Gérer la quantité de touristes qui visitent Angkor, qui connaît une croissance rapide.
- Réduire les conséquences négatives du tourisme (ce qui auparavant se comprenait surtout en termes de conservation, au dépend de tout le reste).
- Faire mieux comprendre aux touristes les usages locaux d’Angkor, qui est une zone habitée et reste un site religieux.
- Mettre en place une industrie du tourisme plus homogène qui respecte des pratiques et normes spécifiques.
- Offrir de meilleures possibilités et retombées financières aux résidents locaux.
Qu’est-ce qui a fonctionné?
La version finale du Plan pour la gestion du tourisme est un long document détaillé comportant six grands objectifs ou « initiatives » répondant aux quatre priorités stratégiques – promouvoir l’expérience positive des visiteurs, réduire l’impact du tourisme sur le site, offrir des bénéfices aux populations locales, améliorer la gouvernance et faire participer les parties prenantes.
Des stratégies sont définies pour chaque initiative en vue d’atteindre ces objectifs, et chaque stratégie comporte différentes étapes (de la plus prioritaire à la moins prioritaire) assorties d’échéances dans les mois ou années à venir.
Bien que les stratégies et étapes concernées correspondent à des objectifs finals différents, les stratégies partagent un certain nombre de thèmes communs – communication, collaboration, délégation, limitation, examen, diversification et conservation – et ces thèmes peuvent fournir un modèle que les autres gestionnaires de sites du patrimoine mondial peuvent relier à leur propre site, plutôt que d’appliquer les stratégies et étapes spécifiques qui ont été définis pour Angkor.
Quelles ont été les difficultés?
Les problèmes rencontrés par Angkor ont fait beaucoup parlé d’eux et soulevé beaucoup de critiques pour mauvaise gestion. L'ampleur et la complexité d'Angkor font qu'il n'y a pas de solution facile, et un certain nombre de mesures ont été prises par le passé pour assurer la conservation et faire face aux résidents locaux. Cependant, beaucoup de ces efforts ont échoué en raison d'un manque de communication entre les différents organes chargés de la gestion du site ; un manque de compréhension par les résidents des politiques du patrimoine mondial ; une réticence à mettre en œuvre un système qui pourrait réduire le nombre de touristes alors que ceux-ci représentent la principale source de revenus de la région ; et le souci de conservation avant toute chose. Par voie de conséquence, les priorités stratégiques susmentionnées sont restées inchangées pendant un certain temps.
Comment ont-elles été surmontées?
Les différentes parties concernées, y compris le Gouvernement royal du Cambodge, la CPI, et plus largement la communauté de la conservation ont constaté et affirmé qu’il fallait opérer un changement et tenir compte des risques croissants liés au tourisme et au développement d'Angkor Wat et du Siem Reap en tant que destination. Un atelier des parties prenantes de l'industrie touristique et un atelier pour les communautés, moines et ONG ont eu lieu à Siem Reap en mars 2012. Ensemble, tous les acteurs concernés ont fait part de leurs commentaires, projets de documents et suggestions de modifications avant l'adoption de la version finale du Plan de gestion du tourisme, qui vise à rendre le secteur plus durable et bénéfique pour la conservation du site, la communauté locale, et les entreprises du tourisme de la destination.
Quels enseignements les autres peuvent-ils tirer de cette expérience?
Lors de l'élaboration d'une stratégie touristique pour un site du patrimoine mondial, pensez à ce qu’il a à offrir, au-delà de son statut de site du patimoine mondial. La description actuelle d’Angkor dans la Liste du patrimoine mondial ne concerne pas les valeurs naturelles, et ne reconnaît pas le rôle du site en tant que lieu de vie et lieu sacré, mais ces éléments peuvent présenter un intérêt touristique tout aussi important que l'architecture magnifique et l'âge du site.
Comme beaucoup d'autres sites examinés dans cette boîte à outils, la communauté locale doit être une considération clé, et par communauté locale on entend les résidents locaux, voyagistes, propriétaires d'entreprise, et toute autre personne qui pourrait être affectée par la présence du site et le tourisme que celui-ci attire. Les lignes de communication doivent toujours être l'une des premières choses que les gestionnaires de sites veillent à mettre en place avant et pendant la conception et la mise en œuvre d'une stratégie touristique.
Pour plus de détails sur le Plan de gestion du tourisme du site d’Angkor, cliquez ici.