Guide 2 – Étude de cas : Parc national de l’Ichkeul (Tunisie)
Situation de départ
Le Parc national de l'Ichkeul est caractérisé par un système hydrologique très particulier, basé sur l'alternance saisonnière des niveaux d'eau et de salinité. Le lac et les marais environnants constituent une escale pour des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs, comme les canards, les oies, les cigognes et les flamants roses qui passent l'hiver à Ichkeul.
Il a été placé sur la Liste du patrimoine mondial en péril en 1996 à cause de barrages en amont qui avaient coupé presque tous les flux d'eau douce vers le lac et perturbé la flore naturelle, entraînant une très forte baisse du nombre d'oiseaux faisant escale dans le Parc.
Quelles actions ont été entreprises ?
Afin de faire participer les parties prenantes à tous les niveaux, le Comité de gestion du Parc national de l'Ichkeul a été créé, rassemblant des représentants des collectivités locales, du Groupe de développement agricole de l’Ichkeul, des autorités gouvernementales et divers autres acteurs.
Le maintien du tourisme a été jugé fondamental – une campagne de marketing financée par l'UNESCO a assuré la promotion du parc comme destination touristique, et un nouveau centre d'accueil a été construit. Des programmes locaux ont été mis en place pour former des guides et sensibiliser le public à la fragilité du Parc national, et des mesures de protection ont été mises en œuvre dans le Parc lui-même, en vue de restreindre l'accès humain tout en œuvrant à la restauration de l'équilibre des zones humides.
Priorités stratégiques
- Éduquer la population locale et les touristes quant à la fragilité de l'écosystème des zones humides.
- Faire participer les communautés locales à la gestion du site du patrimoine mondial.
- Éliminer ou réduire d'autres pratiques et conditions ayant un impact négatif sur le site, notamment la chasse, le pâturage et la pollution de l'air.
- Rétablir l'équilibre naturel des zones humides, en particulier les niveaux d'eau et de salinité nécessaires, ainsi que la flore.
- Attirer les touristes, et mettre en œuvre une stratégie durable qui ne nuise pas à l'écosystème du Parc.
Qu’est-ce qui a fonctionné?
Après avoir reçu un financement du Fonds d'aide d'urgence de l'UNESCO, le Parc a lancé une campagne de marketing et veillé à la formation de base des guides et à la mise en place de plans de crédit. Cette action a renforcé la participation des entreprises et des collectivités locales aux activités liées au tourisme, ouvert l'emploi local, et permis une meilleure répartition des retombées économiques positives de l'industrie du tourisme. Afin de faire participer les parties prenantes à tous les niveaux, le Comité de gestion du Parc national de l'Ichkeul a été créé, rassemblant des représentants des collectivités locales, du Groupe développement agricole de l’Ichkeul, des autorités gouvernementales, et divers autres acteurs.
L’offre touristique a été élargie pour inclure des parcours nature, des visites guidées, des activités d’observation des oiseaux, la visite de hammams traditionnels (bains chauds), des excursions dans les douars (camps de tentes) et les villages locaux, entre autres. Le fait de rester sur des itinéraires spécifiques a permis de ne pas trop exercer de pressions sur l’environnement et de sensibiliser le public à la conservation de la valeur universelle exceptionnelle du site et à l'importance de faire usage des zones humides de manière durable.
Des mesures d'adaptation ont été mises au point et la planification de l'approvisionnement en eau tient désormais compte de la consommation d'eau douce par le lac et marais. L’apport d'eau douce des barrages en amont et les échanges d'eau salée avec la mer en aval sont réglementés, et un programme de suivi scientifique adapté a également été mis en œuvre.
Quelles ont été les difficultés?
Avant de pouvoir initier des changements positifs, il a fallu trouver un financement. En outre, la promotion active du parc national en tant que destination touristique a pu se faire grâce à la coopération entre les autorités du parc et les tour-opérateurs, agences de voyages, et l'Organisation nationale du tourisme tunisien – ces relations devaient être développées.
Comment ont-elles été surmontées?
La valeur du site en tant que destination touristique a été reconnue, et avec elle le fait que l'effet négatif du barrage affectait la valeur du parc et la communauté locale. Retrouver et accroître l'intérêt des touristes a été jugé nécessaire pour l'avenir du site, et l'augmentation du tourisme a généré des revenus qui, en plus de contribuer à l'entretien de l'infrastructure du Parc, sont réinjectés dans l'économie locale.
Quels sont les résultats?
Le Parc national de l'Ichkeul a été retiré de la Liste du patrimoine mondial en péril en 2006, après plus de dix ans. Le nombre de touristes a doublé (env. 50 000 par an), mais l'impact de l'augmentation des visites est maintenu à un faible niveau, l'accès du public aux marais et au lac étant limité à des circuits spécifiques avec tours d'observation et belvédères. Les itinéraires approuvés sont bien marqués, et les guides locaux formés à cet effet veillent à protéger les marais des pressions négatives du tourisme.
Les programmes de formation permettent aux résidents locaux d’entrer dans le secteur du tourisme plus facilement, et de rendre le tourisme plus durable à long terme, dans la mesure où les savoirs locaux, la sensibilisation et la participation s’en trouvent augmentés. La croissance du tourisme a généré des revenus, qui, en plus de contribuer à l'entretien de l'infrastructure du Parc – de son centre d'accueil par exemple – et à la gestion des activités de conservation, alimente l'économie locale par l’intermédiaire des salaires versés à la main-d'œuvre locale.
Quels enseignements les autres peuvent-ils tirer de cette expérience?
La valeur universelle exceptionnelle de nombreux sites du patrimoine mondial, en particulier du patrimoine naturel, provient de l’habitat unique qu’ils constituent et de la faune sauvage qu’ils attirent. Cependant, cet environnement est fragile et nécessite un équilibre spécifique de conditions qui ne peut être obtenu que si l'impact de l’homme est minimal. Leur attrait en tant que destinations touristiques en devient problématique, et si l’on veut maintenir les conditions qui créent la valeur du site, l'impact inévitable de toute visite humaine doit être réduit à son minimum.
Le Parc national de l'Ichkeul a été sur la Liste du patrimoine mondial en péril pendant dix ans avant d'en être retiré en 2006. Un changement positif ne se fait pas du jour au lendemain ! Mais l’exemple du Parc national de l'Ichkeul montre qu’avec un travail acharné, une vision claire, et la participation de la communauté locale, des changements positifs peuvent être mis en œuvre, le plus fragile des sites pouvant même être visité durablement par des dizaines de milliers de touristes.
Pour plus d’informations concernant la collaboration et la mise en œuvre de la stratégie pour l’Ichkeul, voir le document présentant les décisions du Comité du patrimoine mondial à sa 27e session ici (p. 11).